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Production illicite d’opium et sécurité globale en Afghanistan

Production illicite d’opium 
et sécurité globale en Afghanistan

Pierre-Arnaud Chouvy

Sécurité globale
N° 2, février 2008, pp. 131-143.

Résumé

La longue crise afghane et ses multiples rebondissements ont été accompagnés par la croissance progressive de la production illicite d’opium dans le pays. D’une centaine de tonnes au début des années 1970, la production a augmenté jusqu’à atteindre 6 100 tonnes en 2006, soit 92 pour cent de la production illicite mondiale selon les Nations unies. Au cours de l’histoire moderne, la production d’opium a toujours été liée à des considérations et à des enjeux sécuritaires, que ce soit à travers des menaces supposément portées à l’ordre moral, ou à travers son instrumentalisation stratégique lors de nombre de conflits armés. Dans le cas de l’Afghanistan, l’opium a très tôt fait l’objet d’utilisations stratégiques, d’abord dans le cadre de la guerre froide, puis dans celui des guerres intestines qui ont ravagé le pays pendant près de vingt ans. Désormais, dans le contexte de la lente et difficile reconstruction du pays, tant politiquement qu’économiquement, les proportions prises par la production d’opium soulèvent nombre de questions sécuritaires classiques, souvent sans prendre à sa juste mesure la dimension globale de la sécurité de l’Afghanistan. De fait, sécurité stratégique et sécurité économique apparaissent inextricablement liées dans l’équation de la production afghane d’opium.


Introduction

La production d’opium a été rendue illégale sur la base d’arguments moraux, idéologiques et notamment sécuritaires en grande partie par ceux-là même qui l’avaient promue pour des raisons mercantiles depuis la Turquie jusqu’en Chine. Le développement de l’économie de l’opium, encouragé et même imposé aux dix-huitième et dix-neuvième siècles par les puissances coloniales européennes installées en Asie, a en effet fait l’objet de restrictions légales dès le début du vingtième siècle. L’opium a d’abord servi d’arme commerciale à l’Empire britannique afin de pénétrer le marché protectionniste chinois, occasionnant deux guerres dites de « l’opium ». Depuis lors enjeu de conflits, l’opium devint même souvent le nerf de certains d’entre eux que son commerce permettait et développait : particulièrement dans le contexte de la guerre froide et dans celui, plus récent, des nouveaux impératifs de financement de conflits ayant perdu leurs bailleurs de fonds après la désintégration de l’Union soviétique et la fin de l’affrontement Est-Ouest. Mais après 1971 l’opium est aussi devenu la cible prolongée d’une guerre à la drogue (« war on drugs ») d’inspiration et d’instigation états-unienne, menée à l’échelle mondiale contre la production et le commerce de certaines drogues (Chouvy, 2002).

Près de quatre décennies de militarisation de la lutte antidrogue, d’éradication de champs de pavot et de programmes de cultures de substitution et de développement alternatif, n’ont toutefois pas empêché la production d’opium et son commerce de se développer, en Asie bien sûr, mais aussi, dans une moindre mais néanmoins significative mesure, en Amérique latine. Enfin, au début du vingt-et-unième siècle, la guerre contre le terrorisme (« war on terrorism » ou « war on terror ») a remplacé celle menée pendant des décennies contre le communisme et a même permis de la rapprocher, au moins dans les discours, de la guerre à la drogue : l’Afghanistan, d’où le chef d’Al-Qaida, Osama bin Laden, a orchestré les attentats du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis, est aussi depuis 1991 le premier producteur illicite d’opium au monde et a maintes fois été décrit, depuis l’instauration de la démocratie afghane et ses nouveaux records de production, comme étant menacé par le « narcoterrorisme » (Chouvy, 2004a, 2004b) et par le risque de devenir un « narco-Etat ». A travers leur association au terrorisme international, justifiée ou non, la drogue et ses revenus ont alors été désignés de façon croissante comme menace sécuritaire majeure, que ce soit à l’échelle nationale de l’Afghanistan ou à celle, mondiale, des réseaux internationaux des terroristes et des trafiquants de drogue.

Mais la production d’opium a pris une autre dimension sécuritaire, bien plus complexe et réelle celle-là : celle de la sécurité économique et, surtout, alimentaire, de populations rurales pauvres dont la survie et le soutien stratégique dépendent pour tout ou partie d’une production agricole illicite : celle de l’opium. En Afghanistan, la restauration d’une paix durable, l’instauration de la démocratie et la reconstruction de l’Etat seraient, à en croire la majorité des analyses, menacées par une économie de l’opium qui, il est vrai, a atteint des records depuis 2001 et la chute des talibans. Mais les soi-disant menaces narcoterroristes et risques d’apparition d’un « narco-Etat » n’ont pas suffi à imposer et à conduire les campagnes d’éradication forcée des champs de pavot afghans, c’est-à-dire la suppression pure et simple du tiers de l’économie d’un des pays les plus pauvres du monde confronté aux héritages de plus de deux décennies de conflits transnationaux et intestins.

Même si elle se pose en des termes similaires ailleurs (en Birmanie par exemple), mais à d’autres échelles et selon d’autres intensités, en Afghanistan la question de la production illicite d’opium peut clairement être considérée comme une question de sécurité globale dès lors qu’elle relève de composantes sécuritaires différentes mais profondément liées entre elles: sécurité stratégique et sécurité économique qui font que paix et développement ne peuvent êtres obtenus l’un sans l’autre. Si l’on évalue la sécurité globale par le biais de l’existence ou non de menaces ou de risques majeurs posés par les conditions matérielles, économiques, politiques, et naturelles d’une collectivité donnée et de ses membres, ainsi bien sûr que par un niveau suffisant de prévention et de protection contre ces menaces et ces risques afin de réunir des conditions favorables au développement de la collectivité concernée et de ses membres, alors la question de l’opium afghan peut réellement être posée en termes de sécurité globale puisqu’elle est clairement indissociable du reste de la problématique afghane.

L’approche de la question de la production illicite d’opium en termes de sécurité est toutefois bien plus ancienne que celle de l’Afghanistan et elle ne s’y limite d’ailleurs pas. Un siècle de prohibition de certaines drogues et plusieurs décennies de guerre à la drogue ont fait de la question de la production et du trafic de drogues une question de santé publique, certes, mais surtout de sécurité internationale, notamment à travers la criminalisation des paysanneries de l’opium, de la coca, et du cannabis, qui a accru violence, instabilité, et insécurité dans les régions productrices, sans permettre, bien au contraire, d’éradiquer les cultures illicites.

Opium, sécurité, et prohibition

La production illicite d’opium a connu d’importantes variations depuis 1906, lorsque l’évêque de Manille, le révérend protestant américain Charles Brent, a écrit au président des Etats-Unis, Theodore Roosevelt, pour lui demander d’organiser une conférence internationale qui soutienne les efforts anti-opium de la Chine. Dès février 1909, la Conférence internationale sur l’opium de Shanghai adoptait des mesures anti-opium peu contraignantes, certes, mais qui allaient à l’encontre des intérêts politiques et économiques des puissances coloniales britannique et française et qui marquaient le début de la croisade morale du prohibitionnisme états-unien qui allait faire des Etats-Unis, future superpuissance économique et géopolitique, la seule « superpuissance antidrogue » au monde et déboucher sur la « guerre à la drogue » (war on drugs) menée à l’échelle mondiale par et depuis l’administration Nixon (1971).

L’imposition à la Chine des Qing du commerce de l’opium des Indes par l’Empire britannique et sa British East India Company avait débouché sur deux guerres dites « de l’opium » (1839-1842 et 1856-1860) et avait abouti à faire de la Chine non seulement le premier consommateur mondial d’opium mais aussi son premier producteur. Ainsi, en 1906, la Chine produisit 35 364 (85 pour cent) des 41 624 tonnes d’opium mondial. Les Indes britanniques n’en produisaient alors que 5 177 tonnes, soit 12 pour cent du total mondial, le reste étant produit notamment par la Perse et l’Empire ottoman. A cette époque, la production d’opium était combattue sur la base de motifs moraux et idéologiques plus que sur la base de considérations de santé publique ou de sécurité, même si c’était davantage la consommation que la production qui était visée. En effet, aux Etats-Unis, la culture dominante, largement influencée par l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme qui réprouvent la jouissance du corps et valorisent le travail, percevait la consommation d’opium, et plus tard d’autres drogues, comme étant moralement répréhensible car liée exclusivement à la recherche du plaisir (Chouvy, Laniel, 2004 : 9-11).

La production d’opium n’était donc alors qu’indirectement perçue en termes de sécurité, puisqu’elle l’était principalement à travers la consommation d’opium qui s’était développée dans le monde occidental. Ce sont donc en fait surtout les consommateurs d’opium qui étaient perçus comme présentant une menace. Aux Etats-Unis, les « entrepreneurs de morale » qui ont élaboré la prohibition mondiale des drogues, ou en tout cas de certaines drogues, ont diabolisé les drogues en les associant à des espaces sociaux, culturels et géographiques autres, c’est-à-dire porteurs d’une altérité menaçante : « un-American ». A ce titre, ce sont surtout les pauvres et les minorités non blanches, les outsiders d’Howard Becker, qui ont fait les frais de la prohibition aux Etats-Unis (Aureano, 2001 ; Chouvy, Laniel, 2004 : 9-11). Le fait que l’opium consommé aux Etats-Unis a toujours été importé de l’étranger facilitait un tel ostracisme, voire un tel racisme, et ce sont d’ailleurs les Chinois de San Francisco et eux seuls qui furent visés par la première loi antidrogue des Etats-Unis, la San Franciso’s Opium Den Ordinance de 1875. Le régime prohibitionniste a ainsi été fondé, au moins partiellement, sur des bases conflictuelles sociales, ethniques et géopolitiques, les trois dimensions étant inextricables. Il en a découlé une représentation des drogues contenant une dynamique de réaffirmation des frontières socio-spatiales entre un collectif d’identification et un « Autre » ressenti comme dangereux (Chouvy, Laniel, 2004 : 9-11). D’autre part, la prohibition, appliquée à travers la répression, a permis l’émergence du trafic international de drogues illicites tel qu’on le connaît actuellement, même si la prohibition ne peut pas seule expliquer l’ampleur prise par le trafic. Il n’en reste pas moins que l’économie des drogues illicites est dynamisée par la prohibition mais aussi par la répression dont elle est l’objet depuis des décennies (Choiseul Praslin, 1991).

En un siècle de prohibition mondiale de certaines drogues, la production illicite d’opium s’est certes effondrée, passant de près de 42 000 tonnes à 6 610 tonnes en 2006 et plus encore en 2007 puisque l’Afghanistan a produit 8 200 tonnes d’opium à lui seul. (UNODC, 2006 ; 2007). Mais cette baisse de production est toutefois bien plus complexe qu’il n’y paraît puisque le niveau de production le plus bas a en fait été atteint au début des années 1970 à la suite de l’amplitude et de la rapidité de suppression de la production chinoise, au début des années 1950, et grâce aux efforts de la politique multilatérale de la Société des nations puis de ceux des Nations unies. De fait, en 1970, un an avant le lancement de la guerre à la drogue de l’administration Nixon, seules 1 066 tonnes d’opium étaient produites à l’échelle mondiale (sources U.S. citées par McCoy, 1991: 495). Ces résultats, encourageants dans le cadre d’un effort international de réduction et de suppression de la production et du trafic d’opium, entre autres drogues, furent néanmoins rapidement remis en cause puisque les récoltes d’opium ont ensuite augmenté pour atteindre 3 395 tonnes (données Nations unies) en 1989 (4 209 selon les Etats-Unis). La Birmanie produisait alors 45 pour cent de l’opium mondial et l’Afghanistan, avec 1 200 tonnes, 35 pour cent. La production afghane d’opium avait augmenté de 800 pour cent entre 1970 (130 tonnes) et 1989, année du retrait des troupes soviétiques du pays. En 1991, selon les données des Nations unies, la Birmanie perdait définitivement sa place de premier producteur mondial au « profit » de l’Afghanistan.

Enfin, en 1999, la production afghane d’opium augmentait subitement pour atteindre 4 600 tonnes, un record national mais aussi un record mondial pour un pays donné depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la suppression de la production chinoise. En 2001, à la suite d’un interdit taliban largement respecté, seules 185 tonnes d’opium ont été produites en Afghanistan, ce qui n’empêcha pas l’intervention internationale dirigée par les Etats-Unis de renverser le régime fondamentaliste, d’établir un fragile régime démocratique dans le pays et d’y initier une difficile période de reconstruction de l’Etat. Les années suivantes, alors que les productions birmane et laotienne s’effondrent, mais que, du fait des impératifs stratégiques de la guerre contre le terrorisme, la production pakistanaise connaît une résurgence certaine (5 tonnes en 2002, 52 en 2003 et 39 en 2006), l’Afghanistan atteint deux nouveaux records consécutifs avec les 6 100 et 8 200 tonnes qu’il produit en 2006 et en 2007 et qui équivalent à 92 et 93 pour cent de la production mondiale. Depuis la chute des talibans et l’instauration du régime du président Hamid Karzaï, la question de la production illicite d’opium a donc pris une importance croissante en Afghanistan, non seulement parce que les surfaces cultivées et les quantités produites y ont atteint des records historiques, mais aussi parce que la situation militaire et sécuritaire s’est profondément dégradée au cours des toutes dernières années. La question de l’opium et celle de la sécurité militaire et économique apparaissent désormais indissociables, moins parce que les revenus de l’économie de l’opium serviraient à financer au moins en partie certaines actions de guérilla des talibans et certaines actions terroristes, que parce que la profonde dégradation du climat sécuritaire après 2005 a considérablement ralenti, voire interdit, le bon déroulement de projets de reconstruction, de développement économique, et de suppression (substitution, interdiction, ou éradication) des cultures de pavot.

Economie de la drogue et économie de guerre

Pendant la deuxième moitié du XXe siècle, et surtout depuis les années 1970 et la hausse importante des productions birmane et afghane, la question de la production illicite d’opium a été perçue de façon croissante en termes de sécurité, notamment dans le contexte de la guerre froide et de l’instrumentalisation stratégique des productions d’opium de Birmanie, du Laos, puis bien sûr d’Afghanistan. La production illicite d’opium constituait alors un atout sécuritaire et stratégique certain pour les Etats-Unis et ce en dépit du rôle moteur que le pays a joué dans la prohibition mondiale de certaines drogues et dans la guerre qu’il leur mène depuis 1971. La production d’opium et les revenus qu’elle permet de générer ont en effet permis le financement d’un certain nombre d’opérations et de guerres secrètes menées par les Etats-Unis et la Central Intelligence Agency (CIA) lors de la guerre froide : depuis l’utilisation de la French Connection et de la mafia corse contre les grèves communistes des dockers français au sortir de la Seconde Guerre mondiale, jusqu’au soutien financier et matériel à la résistance des moudjahiddins afghans entre 1979 et 1989, en passant par l’aide apportée en Birmanie aux nationalistes chinois du Kuomintang (KMT) dans leur conflit contre les communistes, sans oublier bien sûr la guerre secrète du Laos lors de laquelle le trafic d’opium était assuré par les compagnies aériennes de la CIA (Air America notamment) afin de financer un conflit à l’insu du Congrès des Etats-Unis. Mais, en Afghanistan et en Birmanie, la production d’opium n’a pas seulement permis le soutien financier de combattants de la guerre froide par les Etats-Unis, elle a aussi permis aux belligérants eux-mêmes de prendre en charge le coût des conflits intestins de leurs pays respectifs, aidant donc directement au prolongement de la guerre (Chouvy, 2002).

En termes de sécurité, donc, le bilan de la production d’opium et de son instrumentalisation stratégique est plus que mitigé dès lors que cette économie agricole illicite aura pérennisé des conflits nationaux et aura eu des impacts régionaux et internationaux non négligeables, avec d’une part la perpétuation de la crise birmane et les troubles répétés de la frontière birmano-thaïlandaise et, d’autre part, la guerre transnationale et civile d’Afghanistan qui mènera à l’arrivée au pouvoir des taliban et à l’installation d’Al-Qaida dans le pays, d’où les attentats du 11 septembre 2001 seront préparés. Si l’économie de l’opium a un temps permis de financer les « combattants de la liberté » (freedom fighters) de la guerre froide, elle aurait ensuite fait de ceux-ci des « narcoterroristes », la drogue, ancien moyen de lutte contre le communisme, devenant alors la cible d’une guerre contre le terrorisme doublée d’une guerre contre la drogue. La drogue, un temps du bon côté de la lutte menée par Ronald Reagan contre l’Empire du mal (Evil empire), est progressivement passée du côté de ce qui allait être dénoncé en tant qu’« axe du mal » (Axis of evil) par George W. Bush, la drogue faisant supposément courir à l’Afghanistan le risque de devenir un « narco-Etat » et faisant peser sur le monde une non moins certaine menace « narcoterroriste » (Chouvy, 2004a, 2004b).

Ainsi, si les conflits afghans et birmans ont permis que la production illicite d’opium se développe dans les proportions que l’on connaît sur les territoires des deux pays, c’est notamment parce que l’économie de la drogue a grandement contribué au financement de la guerre. Et ce d’autant plus que la guerre s’y est prolongée au point de n’en plus finir, comme si production d’opium et guerre s’auto-entretenaient, la fragmentation politique des acteurs des conflits considérés encourageant d’autant le recours à une économie de la drogue qui, extrêmement florissante, n’en devenait que plus motivante pour les belligérants (Chouvy, 2002). Il n’en reste pas moins que l’Afghanistan et le Birmanie figurent parmi les pays les pauvres de la planète, et que la prédominance du paysannat dans leurs structures économiques respectives rend d’autant plus possible le recours à une économie agricole des drogues illicites que l’économie y a souffert des affres de la guerre et que le contrôle politico-territorial recherché par les autorités et pouvoirs en place était extrêmement limité ou s’accommodait fort bien des ressources que les cultures illicites procuraient. Certes, dans les deux cas, par son intensité et sa durée, la guerre a joué un rôle de première importance dans l’extrême paupérisation des populations des deux pays et y fausse donc une approche du recours à l’économie de la drogue en termes soit strictement économiques, soit strictement polémologiques. De fait, la pauvreté existe aussi dans les pays voisins et elle ne semble pas suffire à y permettre une production agricole illicite conséquente, le contrôle territorial y étant bien plus abouti qu’en Afghanistan ou en Birmanie (Chouvy, 2002).

Au cours des dernières décennies, l’instabilité des deux pays a clairement été nourrie par la production illicite d’opium et les trafics auxquels elle donne lieu, les conflits entre commandants et seigneurs de la guerre afghans, mais aussi entre armées ethniques autonomistes de Birmanie, ayant directement bénéficié des revenus de la production d’opium. Mais, à travers les pertes significatives de contrôle politico-territorial qu’elle a impliquées, l’instabilité des deux pays a aussi permis et encouragé le développement de cette même production agricole. De fait, des effets de système significatifs y ont longtemps existé entre les économies de guérilla et de guerre civile d’une part, et celles qui procèdent d’activités illicites d’autre part. Les économies de guerre et les économies de la drogue ont ainsi une longue histoire commune, que ce soit en Asie, ou ailleurs (Chouvy, Laniel, 2006b, 2006c). Ces fortes synergies qui ont existé en Afghanistan et en Birmanie entre économie de guerre civile et économie de la drogue ont donc logiquement obéré leurs potentiels de développement politique et économique. En effet, en plus d’avoir permis et même favorisé la prolongation des conflits et d’y avoir rendu plus difficile encore toute résolution de leurs crises, la « synergie » conflit–drogue a aussi posé les fondations de la criminalisation des économies de paix de ces pays, compromettant donc potentiellement la stabilité de leurs Etats. L’économie de l’opium n’a d’ailleurs pas seulement permis le financement plus ou moins important de certains des belligérants des deux pays : elle a aussi permis à une partie de leurs paysanneries respectives de survivre tant bien que mal lors de longues périodes de dépression économique.

Opium et menaces sécuritaires en Afghanistan

Désormais, l’Afghanistan effectue une lente et fragile transition vers la paix, donc d’une économie de guerre à une économie de paix. Il doit faire face aux nombreux héritages de ses conflits, dont sa production d’opium, son profond sous-développement et sa grande pauvreté, particulièrement dans les zones rurales. Au risque de compromettre la sécurité économique et alimentaire des paysans de l’opium et de déstabiliser une transition difficile vers la paix et l’économie qui va avec, les autorités étatiques afghanes et une partie de la communauté internationale aimeraient mettre en place des projets de suppression accélérée de l’économie de l’opium, projets qui ont déjà largement et récemment porté leurs fruits en Birmanie (notamment de façon négative, en termes de coût humain) mais qui n’ont pas encore pu être développés dans le contexte stratégique particulièrement sensible de l’Afghanistan (Chouvy, 2005).

En Afghanistan, l’économie de l’opium est fréquemment dénoncée comme représentant l’une des menaces les plus sérieuses contre la reconstruction de l’Etat et la stabilisation du pays. L’économie de l’opium, qui équivaudrait à la moitié du PIB (économie légale) du pays et contribuerait donc à un tiers de son économie globale (équivalent de la moitié du PIB ajouté au PIB), y est dénoncée autant comme cause que comme moyen de l’aggravation de l’insécurité : capacité de financement de la résistance talibane, voire du terrorisme international, mais aussi alimentation de la corruption de l’Etat. Certes, l’importance des revenus de la drogue enrichit nombre d’acteurs non étatiques qui peuvent se poser, et se posent d’ailleurs fréquemment, en concurrence des acteurs étatiques. L’économie de la drogue ne fausse donc pas seulement les mécanismes de l’économie afghane : elle altère aussi les rapports de force et les relations de pouvoir de la donne politique et interfère de fait de façon significative dans les processus de construction étatique et nationale (Byrd, Ward, 2004 ; Chouvy, 2006a).

La question de la production afghane d’opium est d’autant plus complexe, notamment en termes de sécurité, que la population et le gouvernement doivent s’efforcer de sortir durablement leur pays de plus de 20 ans de guerre et de longues et complexes divisions partisanes, mais aussi d’une situation économique parmi les pires de la planète. Mais, si l’économie de l’opium permet certes d’alimenter la corruption et de procurer des ressources à des acteurs opposés à la construction étatique actuelle, elle paraît avant tout alimenter la corruption de l’Etat central et des autorités provinciales. Elle ne peut, de ce fait, être tenue pour cause de la corruption et des oppositions à la construction de l’Etat, ni même d’ailleurs comme l’un de leurs moyens majeurs. De la même façon que l’économie de l’opium a pu procéder des conflits afghans, elle est désormais pérennisée par son profond sous-développement : elle est une des conséquences de la crise politico-économique afghane et ne doit être abordée qu’en tant que telle. S’il y a donc un défi à relever en Afghanistan, outre celui de pérenniser la paix, c’est clairement celui du développement économique (Chouvy, Laniel, 2006b, 2006c).

De fait, à part à travers la question du narcoterrorisme qui existerait en Afghanistan et ailleurs dans le monde, la production afghane d’opium relève vraisemblablement davantage d’une question de sécurité alimentaire et économique que d’une question de sécurité militaire, même si économie et politique sont bien sûr inextricablement liées et ne peuvent être isolées l’une de d’autre dans l’équation de l’instabilité afghane (Chouvy, 2005 ; Mansfield, 2004 et 2007). Concernant le narcoterrorisme, notion choc peu ou mal définie mais utilisée à l’envie par certaines personnalités politiques de premier plan et par les médias, il convient de d’invalider les affirmations selon lesquelles « lutter contre le trafic de drogue reviendrait à lutter contre le terrorisme » (Antonio Maria Costa, UNODC [1] ) dès lors que « les drogues sont désormais la principale source de financement du réseau Al-Qaida d’Osama bin Laden » (Michèle Alliot-Marie, alors ministre française de la Défense) (Chouvy, 2004b ; Sedra, 2003). En effet, quelques déclarations infondées mises à part, très peu d’éléments permettent, en Afghanistan ou ailleurs, de soutenir que des organisations « narcoterroristes » existent, quand bien même il y a peu de doute que les talibans et même Al-Qaida bénéficient au moins un minimum des revenus de l’économie de l’opium dans un pays dans lequel les relations entre économie de guerre et économie de la drogue ont existé de façon durable et dans lequel une grande partie de la population participe à cette économie et en bénéficie.

Enfin, il semble difficile de qualifier une organisation de narcoterroriste sans qu’elle tire l’immense majorité de ses revenus de la production et, ou, du trafic de drogue, et sans qu’elle ait recours au terrorisme pour asseoir ou développer ses activités trafiquantes. Bien que l’appellation même de narcoterrorisme ne corresponde à rien de concret, il importe de préciser que la commission parlementaire ayant enquêté sur les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis a clairement indiqué n’avoir trouvé aucune indication de recours à l’argent de la drogue, avant, pendant, ou même après les attentats (Chouvy, 2004) [2] . D’autre part, aux Etats-Unis, le Council on Foreign Relations souligne que bien que terroristes et trafiquants de drogues peuvent partager des objectifs à court terme, il en va différemment de leurs objectifs à long terme, ceux des premiers étant politiques et ceux des seconds étant pécuniaires [3] . Mais, davantage sur la base d’allégations que de cas documentés, le directeur de l’UNODC, Antonio Maria Costa, affirmait encore en avril 2007 que les trafiquants de drogue afghans avaient développé des « relations symbiotiques » avec les talibans et Al-Qaida [4] . Quant au risque que l’Afghanistan courrait de devenir un narco-Etat, force est de constater qu’aucune définition sérieuse de ce qu’un tel Etat serait n’existe et que l’Afghanistan, qu’il ait été celui des talibans ou qu’il soit celui du régime Karzaï, ne mérite en rien un tel qualificatif dès lors que les superficies cultivées en pavot n’ont jamais dépassé quatre pour cent des terres arables du pays (3,65 % et 4,27 % pour les records de 165 000 et 193 000 hectares de 2006 et 2007).

L’opium en Afghanistan : une question de sécurité économique

Certes, compte tenu de la faiblesse d’une économie afghane restée en dehors de toute croissance pendant près de 25 ans, la part de l’économie de l’opium, trafic d’héroïne compris, apparaît disproportionnée : en 2006, la valeur à la ferme des 6 100 tonnes d’opium produites dans le pays était de 760 millions de dollars et celle des exportations réalisées par les trafiquants de 2,34 milliards. L’économie de l’opium pesait donc 3,1 milliards de dollars en 2006, soit l’équivalent de près de la moitié du PIB du pays (6,7 milliards). En 2006, l’économie afghane était donc constituée pour un tiers (32 pour cent) par celle de l’opium, mais avec des prix de l’opium en baisse et toujours trois fois plus élevés qu’avant l’interdit taliban [5] . Une chute des prix de l’opium ou une baisse des rendements pourrait accentuer de façon notable la diminution du poids de l’économie de l’opium en Afghanistan. De la même façon, sans augmentation majeure des superficies cultivées ou des prix de l’opium, la croissance accélérée de l’économie légale du pays devrait contribuer à la réduction du poids relatif de l’économie de l’opium, comme cela a déjà été le cas au cours des dernières années en dépit de l’accroissement de la production [6] . En effet, alors que superficies cultivées et production augmentaient de façon importante, l’économie de l’opium équivalait à 61 pour cent du PIB afghan en 2004, à 52 pour cent en 2005, et à 46 pour cent en 2006 (UNODC, 2006 : 9). En somme, au vu de la complexité d’évaluation de l’économie de l’opium, qui doit être considérée au vu du prix de l’opium, des rendements à l’hectare, et du reste de l’économie du pays, l’indicateur le plus fiable de l’état de la production d’opium reste celui fourni par les superficies cultivées qui, à tout le moins, permettent de juger du niveau de contrôle politico-territorial de l’Etat et donc des progrès qu’il a permis de réaliser en termes de développement économique (Chouvy, 2006a).

Il est désormais établi que la production d’opium procède largement et de façon croissante de la grande et durable pauvreté d’une partie de la paysannerie afghane. Toutefois les conditions socio-économiques complexes qui sous-tendent cette production sont directement liées au contexte politico-territorial conflictuel qui est celui du pays depuis plus de deux décennies. La guerre, à ses divers stades (invasion soviétique, guerre civile transnationale, et enfin situation post-conflictuelle marquée par une grande insécurité et un recours à une certaine forme de « terrorisme »), a empêché tout développement économique dans le pays, laissant à l’économie de l’opium le rôle de pallier l’absence de crédits agricoles ou de réforme agraire. L’opium a permis à nombre d’Afghans parmi les plus pauvres de subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Mais l’opium a aussi enrichi d’autres Afghans, dont des propriétaires terriens et, bien sûr, les petits et les grands trafiquants. Il nourrit également une corruption rampante, à tous les échelons des autorités et du pouvoir, d’une façon d’autant plus importante, nous l’avons vu, que l’économie de l’opium pèse très lourd dans l’économie afghane.

Il importe toutefois de garder à l’esprit que la production d’opium n’est pas la source des problèmes rencontrés par l’Afghanistan, ainsi qu’il nous est souvent donné d’entendre, mais que c’est la longue série de crises traversées par le pays qui a permis le développement d’une telle production illicite. En d’autres termes, on peut dire que c’est une économie de guerre, civile notamment, qui a d’abord alimenté celle de l’opium, et non l’inverse. La production d’opium en Afghanistan est donc une manifestation de la crise afghane et non sa cause, même si elle peut en aggraver certains aspects, sécuritaires notamment. Seul le retour à la stabilité politique et à la sécurité permettra le développement économique de la paysannerie afghane, dont celle de l’opium qui ne demande rien de mieux que d’en abandonner la production au profit d’une autre, moins risquée, moins laborieuse et plus rémunératrice (les revenus réels générés par la production d’opium sont fortement grevés par les coûts élevés de production, notamment par besoin important de main d’œuvre lors des récoltes).

La production afghane d’opium est néanmoins largement présentée comme une menace majeure de déstabilisation d’un Etat en construction alors qu’un des risques majeurs encourus par l’Afghanistan et par sa population réside vraisemblablement dans la probable déstabilisation de l’Etat qu’entraînerait une diminution trop rapide de la production d’opium, si elle devait être conduite sans réelles compensations ni alternatives (Chouvy, Laniel, 2006b, 2006c). De fait, comme le rappellent les Nations unies, lorsqu’un paysan a le choix entre la légalité et l’illégalité, il choisit la première ; lorsqu’il n’a le choix qu’entre la faim et l’illégalité, il choisit, bien logiquement, le seconde. Il est donc permis de penser que l’économie de l’opium n’est qu’un « mal » nécessaire mais temporaire dans un Afghanistan en pleine reconstruction politique et économique (Chouvy, 2005). C’est ainsi que l’éradication forcée des productions agricoles de drogues illicites est désormais largement reconnue comme ayant non seulement échoué dans les objectifs qui étaient les siens à l’échelle mondiale mais comme ayant aussi été largement contreproductive, tant du point de vue économique que stratégique (Byrd, Ward, 2004 ; Chouvy, 2005). Quant aux échecs ou aux succès mitigés et très localisés du développement alternatif, ils ont récemment donné lieu à la définition de programmes de modes de subsistance alternatifs (alternative livelihood programmes) comme parties intégrantes des politiques de développement nationales. La production d’opium afghan est donc clairement indissociable du contexte général du pays, notamment de ses contextes économique, politique, et stratégique.

Dans de tels contextes, les programmes d’élimination de l’opium par interdit et / ou par éradication, qui seraient mis en place de façon précipitée et sans contrepartie économique suffisante, constitueraient une menace sécuritaire significative, dès lors qu’ils pourraient générer une instabilité économique, sociale et, a fortiori, politique. La production afghane d’opium n’est donc désormais plus, avant tout, une question de sécurité au sens militaire du terme mais clairement une problématique de sécurité alimentaire et donc économique. Apporter une solution mesurée, viable et durable à la question de la production afghane d’opium passe indubitablement par la résolution de la très complexe équation afghane dont il ne faut pas considérer les différentes parties indépendamment les unes des autres. Ce n’est que par l’apport d’une sécurité que l’on peut qualifier de globale, basée sur l’association d’une bonne gouvernance, d’une sécurité des personnes et des communautés, et d’une croissance économique équitable et durable (Mansfield, 2007), que l’Afghanistan pourra trouver la stabilité dont il a besoin pour régler la question de sa production illicite d’opium. Qui plus est, en assurant la sécurité globale de l’Afghanistan, les Afghans et la communauté internationale oeuvreront en faveur de la paix et de la sécurité internationale.

Bibliographie

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[1] BBC, UN calls for war on Afghan drugs, 10 février 2004.

[2] National Commission on Terrorist Attacks Upon the United States, 2004 : http://www.9-11commission.gov/staff_statements/911_TerrFin_Ch1.pdf

[3] Council on Foreign Relations, Terrorism: Questions & Answers. Narcoterrorism, http://cfrterrorism.org/terrorism/narcoterrorism.html (page consultée le 26 août 2004).

[4] Washington Post, An Opium Market Mystery, 25 avril 2007.

[5] Au jour de la rédaction les statistiques détaillées 2007 ne sont pas encore rendues publiques par les Nations unies.

[6] En 2007, la superficie cultivée en pavot et les rendements à l’hectare ont augmenté alors que les prix, eux, ont baissé : la taille de l’économie de l’opium n’est pas rendue publique par les Nations unies au jour de la rédaction.

About the author

Pierre-Arnaud Chouvy

ENGLISH
Dr. Pierre-Arnaud Chouvy holds a Ph.D. in Geography from the Sorbonne University (Paris) and an HDR (Habilitation à diriger des recherches or "accreditation to supervise research"). He is a CNRS Research Fellow attached to the PRODIG research team (UMR 8586).

FRANCAIS
Pierre-Arnaud Chouvy est docteur en géographie, habilité à diriger des recherches (HDR), et chargé de recherche au CNRS. Il est membre de l'équipe PRODIG (UMR 8586).

www.chouvy-geography.com