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La géographie à l’épreuve de la drogue

La géographie à l’épreuve de la drogue

Dossier d’habilitation à diriger des recherches (HDR)
Université de La Réunion

Présenté en soutenance à Paris le 20 juin 2017 par
Pierre-Arnaud Chouvy
Chargé de recherche au CNRS

Jury

  • François Taglioni (parrain) :Géographe, professeur, université de La Réunion, UMR Prodig.
  • Laurent Carroué (rapporteur) :Géographe, professeur, université Paris VIII, Inspecteur général de l’éducation nationale.
  • Pierre Kopp (rapporteur) : Economiste, professeur, université Paris 1, Centre d’économie de la Sorbonne.
  • Gilles Lajoie (rapporteur) : Géographe, professeur, université de La Réunion, UMR Espace-Dev.
  • Stéphane Rosière (examinateur) : Géographe, professeur, université de Reims Champagne-Ardenne, EA Habiter.
  • Bernard Tallet (examinateur) : Géographe, université Paris 1, professeur, UMR Prodig.

Volumes

Volume 1 : Position et projet scientifique (table des matières).

Table des matières vol. 1

Avant-propos. 1

1.      L’objet drogue : aspects de sa contextualisation et de sa pertinence sociétales. 6

Quel état des lieux ?. 6

La prohibition, ses politiques et ses actions. 9

La lutte antidrogue face à ses échecs et à leur déni 13

Eradication forcée et développement alternatif 16

2.      La drogue, cet impensé géographique. 18

Aux origines de la recherche sur la production illégale et le trafic de drogue. 18

La géographie dans la recherche académique sur la drogue. 22

Du faible intérêt, notamment des géographes, pour les thématiques de la production de drogue. 31

L’antimonde comme antidote à une géographie de la drogue. 40

3.      Une géographie de la production et du trafic de drogue en pratique. 45

Quelle place pour la méthodologie ?. 45

La méthodologie entre journalisme et sciences sociales. 49

Du terrain à la théorie : « la marche précède la démarche ». 58

De la pratique du terrain et de ses conséquences sur les méthodes et les techniques. 75

Le terrain et ses terrains : multiplicité, diversité, complexité. 75

Le terrain : préparation et aléas. 81

Pratiques de recherche en « terrain drogue ». 92

L’après terrain : entre utilisation et « désutilisation » de la recherche. 107

4.      Résultats et perspectives de recherche. 110

Résultats et apports des travaux de recherche. 111

Perspectives de recherche. 116

Bibliographie. 123

Volume 2 : Annexes, C.V. détaillé et production scientifique et académique (table des matières).

Table des matières vol. 2

Première partie : genèse d’un géographe (CV détaillé) : 1

L’irruption de la géographie : 3

De la géographie à géopolitique des drogues : 9

Drogue, terrorisme et sécurité étatique : 11

Les territoires de l’opium :16

Du tropisme : géographie, recherche, photographie : 19

Chargé de recherche au CNRS : entre terrain et publications : 23

Epilogue : 29

Références mentionnées dans le texte : 33

Deuxième partie : production scientifique et académique : 39

Articles dans des revues à comité de lecture (ACL) : 39

Articles dans des revues sans comité de lecture (ASCL) : 41

Ouvrages scientifiques (ou chapitres) (0S) : 42

Publications de vulgarisation ou chapitres (PV) : 44

Direction d’ouvrages (DO) : 48

Autres publications (AP) : 48

Autres activités : activités internationales et rapports (AI) : 49

Interventions (colloques et séminaires) : 50

Direction / encadrement d’étudiants : 52

Interviews : 52

Troisième partie : recueil de textes : 59


HDR: volumes 1 et 2 en texte intégral (PDF)


Avant-propos

Pourquoi préparer et soutenir une habilitation à diriger des recherches (HDR) ? La question mérite d’être posée et les réponses sont plurielles. L’HDR est le plus haut diplôme universitaire français et il se situe logiquement dès la fin de la thèse de doctorat dans l’horizon de nombre de chercheurs et d’enseignants-chercheurs. L’HDR « sanctionne la reconnaissance du haut niveau scientifique du candidat, du caractère original de sa démarche dans un domaine de la science, de son aptitude à maîtriser une stratégie de recherche dans un domaine scientifique ou technologique suffisamment large et de sa capacité à encadrer de jeunes chercheurs »[1]. Elle peut donc être envisagée comme une sanction, la reconnaissance officielle d’une production, d’une valeur et d’un parcours scientifiques. Mais elle permet surtout d’aller plus loin dans la recherche. En effet, de la même façon que l’on prépare une thèse de doctorat pour pouvoir mener des activités de recherche scientifique, on est amené à préparer une HDR pour pouvoir aller plus avant dans la pratique de la recherche et notamment dans l’encadrement de celle-ci.

L’obtention d’une HDR est certes aussi le moyen incontournable de poursuivre une carrière de chercheur, même si, malgré son appellation, elle est légalement requise non pour accéder au corps des directeurs de recherche des EPST (Etablissements publics à caractère scientifique et technologique) mais à celui des professeurs des universités. Il semble être toutefois irréaliste de postuler au concours de directeur de recherche de deuxième catégorie du CNRS (un EPST) en se contentant, comme pourtant seulement requis par l’article 17 du décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983, d’un minimum de trois ans d’appartenance au corps de chargé de recherche de première catégorie (voire moins, même, avec dérogation pour « contribution notoire à la recherche »). De l’avis général, une habilitation à diriger des recherches est de fait impérative, non pour postuler au concours mais pour l’obtenir. Certes, la préparation d’une HDR offre aussi l’occasion unique à un chercheur ou à un enseignant-chercheur d’effectuer un retour analytique et critique sur son parcours et sa production scientifique, notamment en ce qui concerne sa pertinence et sa continuité. Et ce même si, pendant le temps de l’HDR, la recherche proprement dite et la production qui va avec doivent être mises entre parenthèses.

A l’origine peu enclin à me prêter à l’exercice de l’HDR, j’ai changé d’avis notamment du fait que mon objet et mes thématiques de recherches étaient restés très peu traités et compris au cours des quelques 20 ans que j’y avais consacrés. La géographie, tout particulièrement, mais aussi les autres sciences sociales, ne se sont intéressés qu’épisodiquement aux problématiques de la drogue. En effet, malgré quelques avancées au cours des deux dernières décennies, les connaissances relatives à la production illégale de drogues restent lacunaires en France. Elles sont, en outre, problématiques car « préorientées » par le fait qu’elles sont produites presque exclusivement par des institutions officielles nationales et internationales dont la seule optique est la lutte contre les drogues (agences onusiennes, polices, armées, agences sanitaires nationales, etc.). Néanmoins, ce savoir institutionnel a le mérite d’exister et a permis de constituer une base sur laquelle construire des connaissances et surtout une compréhension des réalités plus objectives. Mais une approche scientifique des réalités de la drogue fait toujours largement défaut en France et il m’a semblé important de concevoir cette HDR en tant que réflexion sur les raisons d’un tel déficit afin de proposer (aux chercheurs intéressés actuels et à venir et donc aussi, bien sûr, aux étudiants) une méthodologie de recherche, notamment de terrain, portant sur la production agricole illégale de drogue.

Mes activités de recherche, qui s’inscrivent toujours dans le prolongement de mes travaux de recherche doctorale, et même de DEA et de maîtrise qui les ont précédées, ont été intégralement consacrées à la thématique et à diverses problématiques de la production illégale d’opium mais aussi de dérivés du cannabis et de stimulants de type amphétaminique (ATS). La richesse et la complexité de la thématique « production agricole de drogues illégales » ont en effet justifié, et justifient encore, la poursuite des activités de recherche sur ce thème à travers des problématiques variées. L’absence d’autres chercheurs français et le faible nombre de chercheurs étrangers travaillant sur cette thématique (cf. infra) justifient d’autant plus la poursuite de ces recherches.

Citons, parmi les principales problématiques personnellement étudiées depuis 20 ans à travers les analyses comparatives des cas afghan, birman, chinois, indien, laotien, marocain, pakistanais et thaïlandais : les facteurs géopolitiques de localisation des espaces de culture illégale de plantes à drogue mais aussi des routes du trafic de drogues ; les effets de système existant entre les économies de la drogue et celles de la guerre ; l’économie paysanne du recours à l’économie de la drogue et les questions de développement afférentes ; les mécanismes et efficacité des politiques et des actions antidrogue ; et enfin les conséquences involontaires de ces politiques et de ces actions.

Mon approche de l’objet a néanmoins évolué au cours des dernières années, répondant en cela aux évolutions propres aux terrains considérés et à celles des questions qu’elles soulèvent aux échelles nationales et internationales :

  • (Re)construction étatique, insécurité croissante et augmentation de la production en Afghanistan.
  • Regain de production au Pakistan.
  • Effondrement puis hausse de la production en Birmanie.
  • Quasi suppression puis hausse de la production au Laos.
  • Maintien d’une production quasi nulle en Thaïlande (après éradication forcée).
  • Important développement de la production illégale indienne (notamment en Arunachal Pradesh et en Himachal Pradesh).
  • Nouvelle dynamique de production de résine de cannabis au Maroc (cultures d’hybrides et production d’une résine plus puissante).

Mais après deux décennies de recherches portant sur la production illégale et le trafic de drogues, le temps était venu d’opérer un retour réflexif sur des thématiques, des problématiques, des méthodologies et des pratiques de terrain propres à l’étude de l’objet drogue. Un tel retour était bien sûr d’autant plus important que la drogue demeure encore aujourd’hui un impensé géographique et que tant les remarques et les questions de certains collègues que la teneur de certaines évaluations de mes articles, ne laissaient aucun doute sur les incompréhensions et la méfiance qui existent toujours à propos des recherches portant sur la drogue. Quel meilleur format, dès lors, que celui de l’HDR pour aborder longuement et librement les tenants et les aboutissants d’une telle recherche ?

Ce volume premier de mon habilitation, consacrée à la géographie et la drogue, se veut donc être une position de recherche conçue à grande échelle et organisée en partie selon les recommandations de la section 23 du Conseil national des universités qui, sans imposer de plan normatif, enjoint les candidats à aborder leurs objets de recherche (contextualisation sociétale), leurs problématisation et inflexions, leurs méthodologies et innovations, leurs résultats majeurs et apports à la géographie et aux autres disciplines et, enfin, leurs perspectives.

Dès lors, la première partie consiste en une présentation de certains de mes objets de recherche à travers leur contextualisation sociétale et leurs problématisations géographiques. Il conviendra de pointer l’intérêt sociétal et géographique de l’objet drogue à travers sa place dans les processus (géo)politiques, économiques et sociaux du recours à la production et au commerce illégaux de drogue et dans ceux des luttes, voire des guerres, auxquelles ils donnent lieu. La deuxième partie pose la question de la drogue en tant qu’impensé géographique, l’objet drogue et ses pourtant nombreuses problématiques n’ayant que très peu intéressé les géographes, notamment français, et, dans une moindre mesure, le reste des chercheurs en sciences sociales. La troisième partie ambitionne d’améliorer la faisabilité des recherches sur la drogue en proposant une réflexion sur la théorie, la méthodologie et, bien sûr, la pratique du terrain, entre théorie et empirisme donc[2]. Enfin, une courte quatrième et dernière partie est consacrée à la proposition de nouvelles perspectives de recherches, la politique des drogues connaissant des transformations qui vont à n’en pas douter affecter les espaces de production et les producteurs de nombreuses régions rurales du monde.

Cette HDR qui, comme toute HDR, veut témoigner d’une capacité à diriger la recherche, se veut tout autant une réflexion portant sur un objet méconnu, voire ignoré, que sur les bonnes pratiques qui doivent être observées lors de la conduite de recherches sur la thématique drogue ou sur des thématiques apparentées : il convenait en effet d’expliquer pourquoi la recherche sur la drogue était déficiente en géographie mais aussi comment y remédier. D’autant que thématiques et problématiques de recherches sont nombreuses et que les perspectives de recherches abordées en conclusion sont particulièrement fécondes d’un point de vue géographique. Une géographie de la drogue, notamment francophone, a donc toujours lieu d’exister et mes travaux personnels sont de ce fait appelés à être poursuivis sur ce sujet.


[1] Article 1 de l’arrêté du 23 novembre 1988 relatif à l’habilitation à diriger des recherches (version consolidée au 22 septembre 2014).

[2] L’empirisme étant certes aussi, au sens strict, une théorie philosophique faisant de l’expérience sensible le moyen de toute connaissance valide, opposée en cela aux connaissances, idées et concepts a priori ou produits rationnellement. L’empirisme est caractérisé par la méthode expérimentale et par la logique inductive mais pas forcément par l’élaboration de lois dès lors qu’au sens strict l’induction ne peut fonder aucune certitude (les lois étudiées par la science étant finalement moins prescriptives que descriptives, la science ayant davantage pour objet le comment que le pourquoi des choses : la physique n’est pas la métaphysique).

About the author

Pierre-Arnaud Chouvy

ENGLISH
Dr. Pierre-Arnaud Chouvy holds a Ph.D. in Geography from the Sorbonne University (Paris) and an HDR (Habilitation à diriger des recherches or "accreditation to supervise research"). He is a CNRS Research Fellow attached to the PRODIG research team (UMR 8586).

FRANCAIS
Pierre-Arnaud Chouvy est docteur en géographie, habilité à diriger des recherches (HDR), et chargé de recherche au CNRS. Il est membre de l'équipe PRODIG (UMR 8586).

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